Etre en relation avec ses pensées
La tyrannie des pensées
Il est remarquable de constater le sentiment de libération que génère la capacité de considérer ses pensées simplement comme des pensées, et non comme « soi » ou comme « la réalité ». Par exemple, si vous pensez que vous devez faire un certain nombre de choses aujourd'hui et que vous n'identifiez pas cela comme une pensée mais agissez comme si c'était « la vérité », alors vous avez crée à ce moment précis une réalité, dans laquelle vous croyez réellement que toutes ces choses doivent être faites aujourd'hui.
Un patient, Pierre, qui avait eu une crise cardiaque et voulait éviter une rechute, réalisa brutalement cela alors qu'il était occupé à laver sa voiture à 22 heures sous les spots de sa cour. Il lui apparut tout à coup qu'il n'était pas obligé de faire cela. C'était le résultat inévitable de toute une journée passée à essayer de venir à bout de tout ce qu'il pensait devoir faire ce jour là, tant il était déjà embrigadé par cette croyance.
Si vous vous comportez parfois de la sorte, vous vous sentirez parfois aussi tendu et anxieux sans même savoir pourquoi, tout comme Pierre. Ainsi, si des pensées à propos de tout ce que vous avez à faire surviennent pendant que vous méditez, soyez très attentif à elles en tant que pensées, sinon il se peut que vous vous mettiez en action sans même le réaliser, sans être le moins du monde conscient que vous avez décidé d'arrêter votre méditation suite à l'irruption d'une pensée dans votre esprit.
D'un autre côté, si de telles pensées surgissent et que vous êtes capable de prendre du recul et de les considérer avec lucidité, vous aurez la possibilité d'évaluer les choses et de prendre des décisions intelligentes sur ce qu'il y a lieu de faire. Vous saurez quand être satisfait de votre journée. Ainsi, le simple acte de considérer vos pensées comme des pensées peut vous libérer de la réalité biaisée par celles-ci, vous faire voir les choses avec plus de lucidité et vous donner une impression plus grande de gérer votre vie.
Cette libération de la tyrannie des pensées résulte directement de la pratique de la méditation elle-même. Quand nous passons quotidiennement un moment dans un état de non action, en observant le flux de notre respiration et les activités de notre esprit et de notre corps, sans nous laisser entraîner par celles-ci, nous cultivons à la fois la paix de l'esprit et la pleine conscience.
Au fur et à mesure que l'esprit devient plus stable et est moins entraîné par le contenu de nos pensées, nous renforçons sa capacité à se concentrer et à être calme.
Si chaque fois qu'une pensée survient, nous la reconnaissons comme une pensée, nous notons son contenu, nous constatons son impact sur nous et sa valeur de vérité, et qu'ensuite nous nous en détachons et que nous revenons à la conscience de notre respiration et de notre corps, alors nous renforçons notre pleine conscience. Nous apprenons à mieux nous connaître et à nous accepter, non comme nous aimerions être, mais comme nous sommes vraiment.
Notre mode de penser
Le mode « penser à » de notre esprit envahit toute notre vie ; consciemment ou non, nous passons la plupart de notre temps à « penser à ». Mais la méditation est un processus différent de la pensée discursive ou de la réflexion. Parce que la méditation n'est pas une pensée, au travers du processus continu d'observation silencieuse, de nouvelles formes de compréhension émergent.
Nous ne sommes pas obligés de nous battre avec les pensées, ni de les juger. Tout simplement, nous pouvons juste choisir de ne pas poursuivre les pensées une fois que nous avons pris conscience de leur existence. Quand nous nous perdons dans les pensées, nous nous identifions fortement à elles. Les pensées balaient notre esprit et l'emportent et en très peu de temps nous pouvons en effet nous trouver bien loin !
Nous sautons dans un train d'association de pensées, sans être conscients que nous avons embarqué, et en ne connaissant certainement pas notre destination. Plus loin sur le trajet, nous nous réveillons et nous constatons que nous avons été emportés pour un tour. Et quand nous descendons du train, nous pouvons être dans un environnement mental tout à fait différent de celui qui était le nôtre quand nous avons embarqué.
Prenez quelques instants, maintenant, pour examiner les pensées qui naissent dans votre esprit. A titre d'exercice, vous pouvez fermer les yeux et vous imaginer au cinéma, occupé à regarder un écran vide. Attendez l'arrivée des pensées ; comme vous n'êtes occupé à rien d'autre que d'attendre les pensées, vous pouvez en devenir conscient très rapidement.
Que sont-elles exactement ? Que leur arrive-t-il ? Les pensées sont comme des apparitions magiques qui semblent réelles quand elles nous absorbent, mais qui s'évanouissent si nous les inspectons. Mais qu'en est-il des pensées très fortes qui nous déstabilisent ? Nous regardons, regardons, regardons, puis tout d'un coup, nous voilà partis, perdus dans une pensée. De quoi s'agit-il ? Quels sont les états d'esprit ou les formes de pensées particulières qui nous attrapent encore et encore, de sorte que nous oublions qu'elles sont simplement des phénomènes vides et transitoires ?
Il est surprenant de constater le pouvoir énorme que nous accordons inconsciemment à ces pensées non désirées : « Fais ceci, dis cela, souviens toi, planifie, juge ». Elles ont le pouvoir de nous faire perdre la raison et souvent elles le font !
Le type de pensées que nous avons, et l'impact qu'elles ont sur nos vies dépendent de notre compréhension des choses. Si nous sommes dans cet état d'esprit volontaire et perspicace qui voit simplement les pensées naître et passer, alors le type de pensées qui apparaissent importe peu ; nous pouvons regarder nos pensées comme le spectacle éphémère qu'elles sont en réalité.
De la pensée, naît l'action. De l'action résulte toutes sortes de conséquences. Dans quelles pensées allons nous nous investir ? Notre tâche est d'essayer de les voir avec lucidité de manière à pouvoir décider sur lesquelles nous voulons agir, et celles que nous souhaitons simplement laisser passer.